Les parents aidants sont les piliers discrets de notre système de soins, souvent négligés mais essentiels pour le bien-être de leurs proches. À l’approche du Colloque du 26 septembre 2024, dédié au thème « Prendre soin des parents-aidants », un article tiré d’un ouvrage américain publié en avril 2008* a retenu notre attention. Dans un chapitre consacré aux aidants familiaux **, quatre chercheurs analysent la situation particulière des aidants familiaux, ces héros silencieux qui, bien souvent, deviennent les patients invisibles des professionnels de santé. Voici quelques réflexions inspirées par cet article que nous souhaitons partager.
Pourquoi protéger les aidants ?
Le rôle d’aidant a un impact profond sur la santé des personnes concernées, en raison de l’ampleur, de l’intensité et de la durée des soins qu’elles prodiguent. Les aidants sont souvent exposés à des risques importants tels que des blessures physiques, une fatigue chronique et une détresse psychologique. Pourtant, les professionnels de santé, concentrés sur les besoins de l’aidé, peuvent avoir une vision limitée des efforts quotidiens déployés par les aidants.
En France, les résultats de l’enquête BVA-Fondation April de 2018 mettait déjà en lumière cette réalité accablante : 31 % des aidants admettent délaisser leur propre santé à cause de leur rôle, 38 % subissent un stress élevé, 32 % souffrent de perturbations du sommeil, et 30 % se plaignent de douleurs physiques. Malgré ces chiffres, seuls 13 % des aidants sont interrogés sur leur santé lorsqu’ils accompagnent leur proche à l’hôpital, révélant un manque de sensibilisation persistant.
Prenons l’exemple de Séverine, maman d’Achille, polyhandicapé, qui partage son témoignage dans l’un des épisodes du podcast de BabySafe. Elle exprime sa crainte de ne pas pouvoir tenir sur le long terme en raison de la fatigue physique liée aux soins qu’elle doit prodiguer à son fils. Les chercheurs appellent donc les professionnels de santé à adopter une approche proactive, en repérant les signaux subtils de détresse chez les aidants, même lorsque ceux-ci n’expriment pas directement leurs difficultés. Une écoute attentive et des conseils personnalisés peuvent grandement alléger la charge mentale des aidants, renforçant ainsi leur confiance en leur capacité à s’occuper de leur proche.
Comment un soutien approprié aux aidants améliore la qualité des soins ?
L’intervention des professionnels de santé peut prendre plusieurs formes. Elle peut être directe, en formant les aidants aux gestes techniques ou en les aidant dans des tâches complexes. Elle peut aussi être indirecte, en organisant des interventions de professionnels auprès de l’aidé ou en orientant l’aidant vers des structures spécialisées où il peut échanger avec d’autres aidants ou des spécialistes. Nous pouvons notamment citer notamment les CAMSP***, les Sessad****, l’association Léa ou des structures Le lien Psy, ADAPTIA, ou K3W.
Une source majeure de stress pour les aidants réside dans la réalisation de gestes complexes ou la prise de décisions ayant un impact direct sur la santé de l’aidé. Parfois, ils doivent faire des choix difficiles, comme administrer un médicament en urgence, en prenant le risque d’interactions avec d’autres traitements. Ces décisions, prises sous pression, peuvent affecter non seulement l’aidé, mais aussi la santé mentale de l’aidant.
Bien qu’étant des bénévoles non professionnels, les aidants familiaux ont besoin de compétences spécifiques pour assumer leur rôle. Leur dépression ou épuisement, souvent causés par un sentiment d’impuissance face à la multitude de tâches à accomplir, peuvent nuire au bien-être et à la sécurité de l’aidé. Les chercheurs soulignent que les aidants qui développent des compétences en organisation, en prise de décision et en gestion des émotions sont mieux préparés à faire face aux défis et se sentent plus assurés, réduisant ainsi leur exposition au stress.
Des études ont montré que les programmes de psychoéducation et les formations techniques, intégrant également des compétences douces telles que la résolution de problèmes, l’adaptabilité et l’ouverture au changement, peuvent être particulièrement bénéfiques.
Une approche écosystémique : reconnaître et soutenir les aidants
Enfin, les chercheurs insistent sur l’importance de respecter, au sein de la triade Aidé-Aidant-Professionnel, le rôle de chacun. Étant donné leur implication quotidienne, les aidants doivent être reconnus comme des partenaires de soins à part entière par les professionnels de santé. Une communication ouverte et une confiance mutuelle sont essentielles pour établir une relation solide entre l’aidant et le professionnel. En adoptant une approche écosystémique, il devient évident que pour bien prendre soin des aidés, il faut également prendre soin des aidants.
En reconnaissant et en soutenant activement les parents aidants, nous pouvons améliorer non seulement leur qualité de vie, mais aussi celle de ceux dont ils prennent soin. Ils méritent d’être perçus comme des alliés dans le parcours de soins.
Pour aller encore plus loin dans cette réflexion, nous vous invitons à vous inscrire à notre prochain colloque qui aura lieu le 26 septembre. Nous y aborderons la santé physique et psychique des parents-aidants ainsi que la question du répit, première condition pour prendre soin de soi, en compagnie d’experts. Pensez à vous inscrire dès maintenant en cliquant ici.
*Patient Safety and Quality: An Evidence-Based Handbook for Nurses; National Library of Medicine
**Chapter 14: Supporting Family Caregivers in Providing Care
***Les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP)
****Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD)
Lien vers le texte original : Supporting Family Caregivers in Providing Care